Amicale des Anciens et Amis du 1er Régiment de Cuirassiers

   A LA POINTE DU COMBAT (6° et dernière partie)

Mémoires de guerre d’un jeune cuirassier

par BARTHELEMY PAUL, ANCIEN DU 2e ESCADRON, 1er CUIRASSIERS

***************************************************************************************

Rappel: Ceci est le récit des opérations que mena le 2e escadron du 1er Cuirassiers du 9 octobre 1944 au 8 mai 1945. Dans ces pages du journal qui fut le sien je me suis permis d’insérer quelques notes personnelles sur les événements que j’ai vécu pendant toute cette campagne.

Turenne et Sherman

 

Marquage des chars du 1er cuirs et du 2e escadron fin 1944

Dernier chapitre : Notes personnelles et conclusion

 

ATTAQUE DES VILLES EN ALLEMAGNE

Je voudrais encore dire quelques mots sur ces diverses attaques que nous avons effectuées dans plusieurs grandes villes du pays de Bade et du Wurtemberg. Le plus souvent, aux abords de ces villes, nous étions arrêtés par des abattis nombreux et de tous genres.

La plupart des sections ennemies se battaient avec une énergie farouche, nous donnant le plus souvent du fil à retordre. Il fallait, à chaque fois, faire le forcing pour s'ouvrir un chemin parmi les rues transversales, nettoyer les nids de résistance formés par des positions fortement tenues. La plupart des voies étaient barrées par de petits blockhaus aménagés en profondeur. De nombreuses maisons étaient murées et les fenêtres transformées en meurtrières avec des sacs de sable. Tous les balcons étaient des nids de mitrailleuses et sur chaque toit des tireurs d'élite étaient postés. D'autres soldats défendaient les différentes caves avec des grenades.

Pour notre infanterie, chaque porte était une tentation, une envie de pénétrer afin de débusquer l'ennemi mais il fallait se méfier des mines antipersonnel qui explosaient au moindre contact d'un fil invisible relié à une décharge meurtrière.

Nos blindés étaient le plus souvent à l'avant-garde et frappaient les premiers coups sur les objectifs désignés; puis l’infanterie faisait le reste, à savoir nettoyer maison par maison, rue par rue, déblayer le terrain pour que les unités arrivant derrière puissent continuer leur progression sans surprise. Toutes forces réunies, sections d'assauts, blindés, nous nous battions en synergie totale. Lorsque un peloton de chars arrivait sur son objectif et avait conquis une partie de la ville, d’autres par derrière arrivaient, nous dépassaient, tandis que les sections d'infanterie visitaient les immeubles des caves jusqu’aux greniers. Nous étions rassurés lorsque les sections de légionnaires passaient : il ne restait personne derrière eux qui soit en mesure de jeter soit une grenade, soit de se servir d'une mitraillette…

Il y avait bien des fanatiques, des désespérés qui préféraient mourir pour leur Führer, plutôt que de se rendre. Nous avons eu des chars bazookés alors que nous étions persuadés de n'avoir rien laissé derrière nous. La plupart de ces hommes étaient planqués dans les égouts et attendaient que nous soyons passés pour nous tirer par derrière.

Chaque îlot de résistance était immédiatement détruit. Nous faisions feu sur chaque cheminée, sur chaque soupirail, sur chaque balcon barricadé; l'ennemi était fractionné en petites unités et n'avait pas de répit mais nous ne lui laissions pas le temps de se reformer.

Je me souviens d'une scène tragi-comique. Nous étions le char de tête et roulions prudemment vers le centre d’une ville, observant à droite et à gauche. Soudain, près d'une rue transversale, apparaît un soldat Allemand armé d'une mitraillette. Il est surpris par notre présence; nous lui faisons signe de lever les bras et de s'approcher. Sans hésiter, il exécute notre ordre. C'est notre premier prisonnier de la journée. Il s'avance, feignant de se rendre quand, arrivé à hauteur d'une autre rue transversale, il disparaît soudain, nous laissant sans voix... Nous sommes alors pris d'un immense fou rire. Il n'a pas dû aller bien foin car d'autres unités d'infanterie arrivaient par le travers.

 

ATTAQUE DE NOS BLINDES

Nos chars, malgré la faiblesse de leur blindage et l'infériorité de leurs armes par rapport à ceux de l'ennemi, firent leur devoir. Dans l'ensemble, jusqu'à ce que nous ayons vu les dégâts occasionnés par les chars ennemis sur les nôtres, nous avions cru être une division en supériorité. Jusqu'au jour où nous comprîmes notre erreur. Ce qui nous a fait tenir et nous a permis de remporter des batailles et de bouter l'ennemi hors de notre territoire, a été pour beaucoup notre force de vaincre. Nous avons connu des moments bien difficiles mais jamais désespérés.

Je me souviens encore du jour où nous avons attaqué un objectif près d'un village quand, tout à coup, nous nous sommes trouvés nez à nez avec un camion ennemi qui montait lentement une côte. Il ne nous avait pas aperçu et poursuivait sa route sans se soucier. Nous étions derrière quelques mamelons et il ne pouvait nous apercevoir. Il s'avance encore un peu, aussitôt un ordre et une salve d'obus converge vers lui. Les coups font mouche. Il essaie de faire demi-tour mais il explose dans une gerbe d'étincelles. C'était un camion rempli d'obus. J'ai encore cette vision d'horreur du chauffeur affaissé sur son volant en flammes, la tête arrachée par l'explosion. Un peu plus loin, des véhicules de reconnaissance ennemis gisaient sur les bas-côtés avec leurs chenillettes détruites et, à côté, des chevaux morts qui avaient gonflé.

Quand nous approchâmes du village, d’autres visions de cauchemar nous attendaient, celles de vaches tuées, les pattes en l'air, de voitures criblées de balles, de caissons éventrés, de canons qui achevaient de brûler. De partout, ce n'étaient que cadavres ennemis couchés sur le sol. La plupart avaient été être surpris par les bombardements qui avaient précédé notre attaque. Il faut avoir vécu cela pour comprendre combien la guerre est cruelle et inhumaine.

 

CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE SUR UN VILLAGE TENU PAR NOS TROUPES

Les contre-attaques ennemies sur nos unités furent le plus souvent meurtrières mais jamais désespérées de notre côté. Sur le front d'Alsace, ces contre-attaques nous causèrent énormément de soucis, tant pour notre état-major que pour les troupes en ligne. Les contre-attaques furent un douloureux handicap pour notre escadron car, à un moment donné, nous il ne nous restait plus que 10 chars sur 17 au début de l'offensive. Nous avions bien des réserves à l'arrière, mais la plupart de ces chars n'arrivaient pas toujours à destination. Ayant le plus souvent combattu à un effectif inférieur à celui d'un escadron blindé, nous avons pourtant tenu le coup.

Je veux raconter une de ces grandes contre-attaques ennemies sur nos positions. C'était en Alsace où nous occupions un petit village. Chaque peloton avait sa place assignée tout autour, en prévision d'une attaque de l'ennemi. Vers la fin de la matinée, la patrouille de la Légion nous signale qu'une concentration adverse très importante s’opère lieu non loin de nous, et qu'elle est prête à contre-attaquer nos unités. Il parait que l'ennemi a quelques chars et de nombreuses sections de fusiliers. Aussitôt, branle-bas de combat. Le temps de nous mettre en place, voilà que l'ennemi débouche de la lisière de la forêt, attaque et vient tout droit sur nos défenses. Sans hésiter, nous ouvrons le feu et stoppons au sol l'infanterie. La plupart des hommes essaient de se terrer, comme ils peuvent derrière une butte de terre, d'un arbre. Les chars qui les accompagnent, s'aventurent à terrain découvert en décrivant quelques zigzags. Heureusement pour nous, ce ne sont pas des «TIGER », mais seulement des véhicules blindés moyens. Nous sommes en supériorité. Un duel d'artillerie se crée entre eux et nous. Nous avons le dessus. Ils n'insistent pas, se replient sans pousser plus loin leur offensive. Pendant cette contre-attaque, quelques armes anti-chars ennemies s'étaient approchées par un sentier en surplomb et avaient essayé de surprendre nos chars. Elles furent rapidement prises à partie par les légionnaires, et détruites. Un moment d'accalmie puis, l'infanterie ennemie, qui s'était abritée, se ressaisit et tente par un débordement de s'infiltrer à travers les rues du village. Elle était déjà parvenue aux premières maisons quand elle fut refoulée par nos sections de la Légion. Panique dans les rangs adverses qui tentent de se replier mais sont bientôt décimés; des éléments plus audacieux veulent continuer vers l’avant mais sont à leur tour abattus. Des éclairs partent du bois en face, et se succèdent; en écho, trois fortes explosions. Des volutes de fumée stagnent à l'emplacement des impacts. L'ennemi vient remettre çà et essaie de déborder le village. De l'autre coté, on aperçoit des hommes qui se mettent à courir et très vite se jettent dans les fossés.

Par un chantier arrive alors un char ennemi. Nous n'en croyons pas nos yeux. C'est un «TIGER », l'un des chars que nous redoutons le plus. Il s'avance, appuyé par des fusiliers. Il progresse lentement et essaie de contourner une ruine, mais ses chenilles patinent en voulant faire marche arrière et glissent sur le sol enneigé. Le char s'immobilise. Un homme surgit de la tourelle et une rafale de mitraillette l'abat. Des silhouettes près du char s'agitent et prennent fuite. Les légionnaires collés au sol tirent; des hommes tombent. Nos chars font mouvement et surprennent le «TIGER » par l’arrière. Aussitôt, une pluie d'obus perforants s'abat sur lui. En peu de temps, le char ressemble à une écumoire et saute avec toutes ses munitions. C'est la première fois que nous détruisons un «TIGER » ! L’émotion est grande parmi nous…

Ce jour-là, l'ennemi a renoncé à nous reprendre le village. Dans les rangs de notre infanterie, il y a énormément de pertes. Un de nos char a été touché, mais son équipage est indemne!

 

ATTAQUE DE NOS BLINDES AU DEBUT D'UN APRES-MIDI

Un après-midi, après avoir déjeuné sur le pouce, nous reçûmes l'ordre de nous préparer à attaquer les positions ennemies. Comme c'était le plus souvent à l'aube que nous le faisions, nous étions surpris. Peut-être que l'ennemi avait montré les signes d'une contre-attaque? Le temps de réfléchir nous étions déjà en route, droit vers notre objectif peu après un tir d'artillerie. Nos blindés, scindés en trois colonnes, progressent par un mouvement débordant. Chaque chemin et sentier de terre battue sont utilisés.

De petits postes ennemis que nous avions négligé tirent dans notre direction et l'infanterie en fait déjà les frais. Par différents mouvements, nous essayons de nous protéger, évitant de nous mettre en contact direct. Nous laissons le soin à notre infanterie de faire le travail. Un mortier ennemi tire jusqu'à épuisement de ses munitions, et le servant lève aussitôt les bras en l'air et se rend.

Nous ne pouvons pas soutenir notre infanterie qui est imbriquée dans les positions adverses. Tronçonnée, désarticulée, une compagnie de fusiliers Allemande est mise hors de combat. Seuls quelques petits groupes isolés essaient de résister mais ces éléments épars, privés de toute liaison, ne présentent plus aucune cohésion.

Notre brèche s'élargit, le front craque, les ultimes résistances succombent une à une. Vers 15h00, au détour d'un sentier, nous entendons un grand bruit au détour d'un sentier : trois véhicules blindés ennemis apparaissent. Nous manoeuvrons et les encerclons. Se voyant entourés, ils stoppent. Nous leur donnons l'ordre de se rendre. Les équipages refusent; quelques tirs sur leurs engins les persuadent du contraire. Un grand gaillard en uniforme noir brandit alors un chiffon blanc, sort de sa tourelle et se rend. Tous sont faits prisonniers. Partout notre intervention est décisive. Nous sommes restons jusqu'à la tombée de la nuit puis nous rentrons à notre base de départ pour y passer la nuit.

 

AUTRE ATTAQUE DE NOS BLINDES AVEC POUR SOUTIEN LA LEGION ETRANGERE

Le soutien des sections d’infanterie de la Légion a été nous des plus précieux, et déterminant. Nous savions que nous pouvions compter sur leur dévouement, sur leur courage et que nos camarades légionnaires se feraient plutôt hacher sur place que de nous laisser en désarroi en plein champ de bataille. Sans ces hommes, il y a des moments où nous n'aurions pas pu venir à bout de l'ennemi. Hommes de valeur, de discipline, d’un courage exemplaire, menant de main de maître des combats parfois supérieurs à ceux de l'ennemi. Ils ont toujours mené à bien chaque combat et attaqué sans cesse malgré les lourdes pertes qu'ils ont subies.

Un matin, nous devions attaquer un village ennemi en pleine Forêt Noire, dans le pays de Würtenberg. Pour ne pas donner l'éveil à l'ennemi, nous avancions prudemment bien sûr, mais il était impossible d’atténuer durablement le tintamarre produit notre escadron en marche…

Dès l'approche du village qu'on devinait à peine à travers les arbres, un bruit de moteur nous annonce que nous sommes repérés. Aussitôt, les sections d'infanterie de la Légion se déploient, chaque section se plaçant sur les divers sentiers. Soudain, une brève fusillade se déclenche, nous annonçant que quelques-uns de nos éléments sont déjà en contact avec l'ennemi. Un ordre est donné, les moteurs rugissent et et nos chars foncent à travers champs, franchissant les clôtures, les petits fossés et les ruisseaux. Nous attaquons. Chaque peloton a sa tache bien définie.

Un de nos «SHERMAN » a ses chenilles brisées par une arme anti-char, tandis qu'un second est atteint par un obus de 88 mais sans gravité. Un autre de nos engins règle son compte à l'arme antichar. Couvert par ses mitrailleuses, l'ennemi essaie de déborder nos points d'appui mais est stoppé dans son élan par la Légion. Celle-ci progresse par bonds successifs et met hors de combat trois nids de mitrailleuses. La réaction de l'ennemi est contenue. Nos hommes sont terriblement fatigués et l'ennemi donne des signes d'essoufflement, c'est ce dont profitent les sections de la Légion qui, en peu de temps, vont bouter l'ennemi hors du village.

 

PROGRESSION DE NUIT EN FORET

Combattre en plein jour, c'est déjà être rempli d'angoisse, mais combattre en pleine nuit, c'était notre cauchemar car nous ne pouvions attaquer qu'à volet ouvert; le périscope n'était pas assez suffisant pour une bonne visibilité. Dans la forêt lugubre, nous avions l'impression d'être constamment entourés de milliers de fantômes. Chaque arbre, chaque buisson ressemblait à un ennemi, chaque levée de terre à un canon antichar et un gros paquet d'arbres bien resserrés à un char ennemi. De temps en temps, on entendait des brèves explosions, puis c'était le silence. Chaque arbre, chaque buisson était à la fois une protection mais aussi un danger. On aurait dit qu'à nos yeux, tout cela se transformait en ces choses mouvantes qui devenaient autant de cibles à détruire.

Pour les légionnaires qui étaient notre soutien d'infanterie, c'était aussi l'angoisse. Parfois, une fusée verte ou blanche s'élevait, trouant un court instant l'obscurité. Les hommes, transis de froid, marchaient, les armes tenues par des mains nerveuses. Ils avaient soif. Le froid transperçait leur chandail. Seul le contact avec l'ennemi aidait à les maintenir en éveil.

La menace d'infiltration d'éléments adverses était constante. Nos blindés et notre infanterie progressaient sur des sentiers à peine tracés, étroits et sinueux, coupés de chaque côté de bois profonds. Nous avions interdiction d'utiliser nos postes radios.

Un matin, alors que commençait à poindre l'aurore, nous sortîmes enfin de ce cauchemar pour prendre position non loin d'une route. Tout près d'une ruine, il y avait une trentaine de soldats ennemis qui, stupéfiés de nous voir arriver de cette direction, n'ont eu qu'à lever les bras en l'air pour se rendre. C'était un groupe isolé, cherchant en vain son unité.

Malgré la timide clarté de l'aube, on sentait qu'une activité fébrile était en train de se manifester. Les légionnaires casqués aux jugulaires attendent près de nos chars. La plupart essaient de se réchauffer en fumant une cigarette. Derrière nous, la forêt toujours lourde de mystères. Nous attendons l'ordre de progresser vers l'avant. Chaque équipage, assoupi dans son char, cherche un bref repos. Dans le lointain, on entend par intermittence des bruits suspects de moteur. Des lueurs de départ de fusées d'artillerie, des grondements sourds prennent un aspect lugubre, tragique, inquiétant… Soudain, l'artillerie ennemie se déclenche, des salves battent par intervalle, les chemins, les routes, les sentiers. L'infanterie essaie de se protéger derrière, voire même sous nos chars!

Allons-nous bientôt attaquer? Ou bien faut-il attendre la fin de ce déluge de feu? On nous a souvent parlé de cette fameuse artillerie ennemie. Beaucoup de nos hommes ont en effet entendu leur père rapporter les effets terrifiants des tirs de barrage sur leurs unités enfouies dans les tranchées lors de la première guerre mondiale en 1914-1918… Le hurlement des obus déchire l'air avant qu’ils viennent s'écraser au sol. Pour l'infanterie, abris et trous paraissent frêles, comparés à cette frappe géante qui tord les arbres, laboure la terre enneigée, fouille les bosquets, les sous-bois, et qui au fur et à mesure, s'allonge, recule, s'éloigne, s'estompe et exaspérant ainsi la tension nerveuse qui précède toujours la première rencontre avec l'ennemi.

Enfin, nous recevons l'ordre de départ. Les troupes se mettent en marche, les fantômes des légionnaires se meuvent dans la brume. Ils parlent fort en cherchant un chemin. Ils ont l'impression de s'encourager mutuellement. Les légionnaires se jettent hors des taillis, bondissent, s'agrippent aux aspérités du sol.

Comment se mettre à l'abri des bosquets tous proches? En face, la forêt résonne d'un nouveau son. Ce n'est plus que le déchirement sourd des explosions de projectiles, mais bien le crépitement sec des armes automatiques, tandis que nos canons de 75 portent loin en avant.

Les sections d'infanterie commencent par s'infiltrer en tirailleurs entre les sections ennemies parfaitement camouflées. Il y a des risques que le terrain devant nous soit miné.

Malgré le froid, une puanteur atroce monte d'un champ à proximité, survolé par une immense nuée de mouches bourdonnantes. Le spectacle est horrible. De nombreux cadavres sont allongés sur le terrain…

 

OPERATION DE LA 5e DIVISION BLINDEE EN ALSACE

Notre campagne d'Alsace s'est achevée le 9 février 1945. A cette victoire sur l'ennemi, toutes nos unités de la 1ère armée française ont contribué, chacune avec ses qualités propres, avec une ardeur exceptionnelle malgré les fatigues endurées et avec un absolu mépris du danger et de la souffrance physique. Cette armée s'est battue contre un ennemi décidé à tout tenter pour anéantir notre tête de pont au-delà de l'III et du canal de Colmar. C'est par une manœuvre d'un développement audacieux que nous avons délivré Colmar et lancé au sud de cette ville la libération de la plaine d'Alsace.

Pour en arriver là, nos troupes ont dû vaincre de très grandes difficultés. Nos opérations ont dû débuter par de nombreux franchissements en vive force des lignes ennemies, traverser de nombreuses forêts et des terrains enneigés ou inondés. Nous avons dû subir une température exceptionnellement basse (-20°C) ainsi qu'un sol durci par le gel et recouvert de 30 cm de neige. Puis quand vint le dégel, ce furent les routes qui furent transformées en bourbiers et la plaine d'Alsace en marécages. Nos chars s'enlisaient en sortant des routes, et les fantassins s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la neige fondante.

Cette campagne d'Alsace a été particulièrement glorieuse. Certes, nos pertes ont été lourdes, mais malgré nos souffrances, nos fatigues, nos sacrifices, le rêve que nous avions fait tous ensemble, celui de rendre la liberté à l'Alsace, s'était enfin réalisé. Quelle joie nous avons partagé d'entendre exploser la ferveur patriotique et de voir jaillir, comme de véritables bouquets, le drapeau de la France sur toutes les fenêtres des villes et villages Alsaciens! 

 

CONCLUSION

Combien de morts, combien d’estropiés, combien d’hommes aux mains, aux pieds gelés le peuple Allemand devait-il pleurer maintenant ? Quel sort effroyable l’attendait-il encore ? Espérait-il un miracle de dernière heure ? N’aurait-il pas du arrêter ce cauchemar avant de faire mourir autant d’hommes ? Combien sont tombés pour cette cause perdue ? Combien sont morts de froid, hachés par la mitraille pour qu’en définitive tout sombre dans le chaos ?

C’en était fait de sa supériorité acquise et maintenue pendant une douzaine d’années. Comment des groupes d’armées avaient-ils subi une telle catastrophe en moins de huit mois de bataille ? L’aviation alliée avait paralysé toutes leurs contre-attaques, les principales forces blindées avaient été écrasées et les divisions d’infanterie décimées.

Pour nous c’était enfin la victoire, la fin d’un grand péril. Cette victoire est due en grande partie à notre hardiesse, notre sang-froid, notre volonté de chasser définitivement l’ennemi hors de notre territoire. Par notre glorieuse offensive, nous avons sans cesse combattu, exploitant nos succès afin d’acculer l’ennemi à la défaite définitive. Le vent de la victoire a enfin soufflé. Nous étions tous ensemble, escadrons, compagnies, sous le mêmes calots multicolores et tous les hommes se confondaient sous le même blouson de combat.

C’est cette 1ère armée Française qui a contribué à la libération du pays. Ce sont nos Divisions blindées formées en Afrique qui ont libéré l’Alsace, atteint le Rhin de vive force en tête des forces alliées, qui sont allées conquérir la majeure partie du WURTEMBERG et du pays de BADE, qui ont atteint le TYROL et ont anéanti deux armées ennemies. Chemin faisant elles ont absorbé dans leur sein des unités Africaines et des formations de la résistance sorties des maquis. Cette armée formée en Afrique, détenait entre ses mains le destin de la France. C’est cette 1ère armée française qui a fait sauter la ligne Siegfried, réussi l’historique la trouée de PFORZHEIM, conquis KARLSRUHE, disloqué le front de la FORÊT NOIRE, occupé ULM et percé les dernières défenses ennemies en s’emparant de STUTTGART après avoir fait 200 000 prisonniers, capturé 34 généraux, 200 chars et 500 canons ennemis.

Notre victoire venait de s’achever sur une fantastique chevauchée. Nos drapeaux flottaient au cœur de l’Allemagne et de l’Autriche. En nous souvenant de tous nos morts, européens et français originaires d’Afrique du nord, ayons encore une pensée pour nos tirailleurs sénégalais, pour nos marocains, nos algériens, nos tunisiens, tous ceux d’outre-mer profondément liés à la France. Nous étions unis pour le même combat. Beaucoup reposent maintenant un peu oubliés dans les divers cimetières de notre pays, surtout dans les terres les plus meurtrières de notre offensive en Alsace.

Nous n’oublierons jamais ces combats qu’ils ont livrés pour la liberté. Cette fierté de la France dont ils étaient imprégnés et qu’ils ont légué aux nouvelles générations. Tous ces français métropolitains et soldats d’Afrique du nord ont payé un lourd tribut à l’autel de la patrie. Beaucoup d’entre eux ont été meurtris dans leur chair. Nombreux sont ceux qui n’ont plus revu leur chaud soleil d’Afrique. Tous ensemble nous n’avions qu’un seul but mener une guerre sans merci à l’ennemi. Nous sommes de ceux qui savent le prix qu’il a fallu payer pour mettre fin à ce terrible cauchemar. Nous nous souviendrons toujours des âpres et durs combats que nous avons du mener dans la neige et le froid, de ces nuits sans sommeil, de ces longs jours sous le ciel noir avec pour tout horizon le piège des bois obscurs, de nos chers camarades disparus dans des combats atroces sans merci.

Peu à peu, les années défilent, chaque jour, chaque mois, chaque année s’estompe dans les affres du passé. Lequel d’entre-nous ancien combattant de cette 1ère armée française, ne se souviendra pas de ce que nous avons vécu ? Le temps s’enfuit, il ne nous reste plus que le souvenir !

FIN

Lien vers la première partie

Lien vers la deuxième partie

Lien vers la troisième partie

Bataille de Colmar

Lien vers la quatrième partie

Lien vers la cinquième partie

 

Haut de page

Marche vers la Guerre   La Campagne des Flandres (mai 1940)    La Renaissance du Régiment (1943)

Campagne de France (1944-1945)   Libération de Colmar    Campagne d'Allemagne (1945)

Menu Principal     Menu Histoire